La Cour supérieure rejette un pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire du Conseil de discipline de l’Ordre des comptables*

La Cour supérieure est saisie d’une demande en contrôle judiciaire par laquelle le syndic ad hoc de l’Ordre des comptables souhaite infirmer une décision interlocutoire du Conseil, qui rejette leur demande en cassation de subpoenas transmis à une syndique et à lui-même.

Le contexte de cette affaire est unique en son genre. Le syndic ad hoc n’en est pas à sa première implication dans le dossier; avant d’occuper cette fonction, il a été mandaté par la syndique en tant qu’expert dans la plainte visant le professionnel. Postérieurement à son travail d’expertise, il est devenu syndic ad hoc et il nomme deux experts au dossier. Autre fait particulier, la syndique a été reconnue coupable d’ingérence auprès des experts qu’elle avait mandatés dans d’autres dossiers (voir le paragraphe 50).

Le professionnel enquêté, qui découvre toutes ces circonstances, plaide que le contexte porte des traces de partialité et que son droit à une audition juste et équitable est atteint; il considère que les experts n’ont pu mener leurs mandats à terme sans être influencés par la position du syndic ad hoc, qui a eu l’opportunité de se « faire une tête » sur les faits au dossier avant d’occuper les fonctions de syndic. Il demande donc un arrêt des procédures.

Dans le cadre de cette requête en arrêt des procédures, il transmet des subpoenas duces tecum au syndic ad hoc et à la syndique adjointe, demandant notamment une liste de documents. L’avocate du syndic tente d’éviter le témoignage de son client en répliquant avec une liste d’admissions. Ces dernières n’ayant pas satisfait le professionnel, celui-ci transmet tout de même les subpoenas. Une requête en cassation de subpoenas est ensuite produite et le Conseil, après audition, rejette cette requête.

Arguant la confidentialité et l’indépendance du syndic, le syndic demande le contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour supérieure. En réponse à ces arguments, la Cour adopte la position du Conseil et considère que les syndics sont contraignables et que s’ils ne souhaitent pas témoigner de leur gré, il est possible de les assigner à comparaître; que le Conseil est en droit de se réserver le droit d’apprécier la pertinence de la preuve documentaire et testimoniale à la pièce et que c’est la meilleure manière de protéger les droits de tous.

La Cour souligne qu’il ne faut pas appliquer au syndic et à la confidentialité de ses enquêtes les principes applicables au secret professionnel, dont les objectifs sont complètement différents. On nous rappelle également qu’une requête en arrêt des procédures porte sur la manière dont l’enquête a été faite et non sur les faits spécifiques du dossier; bien qu’il soit reconnu que le Syndic est maître de son enquête, ce dernier doit tout de même prouver, si besoin est, qu’il n’a pas commis d’actes répréhensibles au cours de son enquête. Ce n’est donc pas de brimer les principes d’indépendance et de confidentialité du syndic que de permettre à un professionnel visé par une enquête de vérifier que les experts mandatés à son dossier sont impartiaux, même si cela implique d’obtenir des documents ou de l’information de la part du syndic les ayant mandatés.

La nuance la plus importante dans cette décision est la suivante: les faits au dossier du syndic sont intouchables, mais les circonstances entourant les tiers et les actes posés au cours de l’enquête peuvent être examinés quand le contexte s’y prête; un contexte aussi exceptionnel que celui dans cette affaire s’y prête certainement.

*André Loubier, CPA, CA c. Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, 2017 QCCS 854 (CanLII), http://canlii.ca/t/h0pxr